Ils me sont fidèles :

DAGEN JEG DØDE PT. VII

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Le jour où je suis morte #7



É P I L O G U E

L'être humain possède une extraordinaire faculté : il est capable de mémoriser, de se souvenir. Mais il ne se souvient pas seulement de la photographie ayant fait la une du journal de la veille ou de la chanson entendue à la radio quelques heures plus tôt, non. Notre organisme, dans son inimitable perfection, sait également mémoriser une odeur, un goût.
La lampée de nectar d'abricot sereinement sirotée sur la terrasse d'un de ces hôtels de la côte d'Opale suffit à me faire bondir dix-huit mois en arrière. Tétanisée, je me tourne vers mon Nikro qui me répond par un regard compréhensif, compréhension avec laquelle il a appris à vivre et qu'il avait sans nul doute anticipée. Perdue dans la sylve sauvage de ses yeux, je réfléchis.
Je suis tout bonnement incapable de comprendre ce que mes proches ont subi en contemplant quotidiennement mon corps inerte, vidé de tout esprit. C'est tout comme s'ils se recueillaient face à ma dépouille impudiquement exhibée sous leurs yeux. Durant ces quinze jours léthargiques, ma chair et mes os ont entraîné le contenu de mon crâne, sans scrupule aucun, dans une valse furieuse à destination de l'enfer. Le violent atterrissage, celui qui m'a précisément fait toucher le fond, suffit à me réveiller le 29 novembre. Je croise alors mes proches, tous prêts à remonter. Quand le cauchemar a commencé pour moi, ils s'éveillaient du leur. Ce décalage tenace et persistant n'était d'ailleurs pas des plus faciles à vivre.
« Il faut que tu sois forte, encore ! » me répétait ma mère.
Toujours installés sur cette même terrasse, mon Nikro et moi discutons de l'horrible expérience que nous avons tous traversée, d'un côté du miroir certes opposé. Son chaleureux sourire m'invite à me lever, et lui de régler l'addition. Bras dessus bras dessous, nous arpentons ce bord de mer, celui qui m'a vue renaître, les vagues léchant nos pieds terrés dans le sable humide.
Ce n'est donc qu'après dix-huit mois de silence, dix-huit longs mois de refoulement cuisant que la question se pose. Un viscéral besoin d'exorcisation s'est emparé de ma personne. Il était grand temps pour moi d'entamer cette thérapie salvatrice. En jetant l'encre sur le papier, je crève l'abcès. Enfin, je brise l'épaisse couche de glace qui m’emprisonnait jusqu'alors dans les eaux glacées de ces sinistres et odieux souvenirs.  Avec le recul, je suis fière de clamer haut et fort que cet abominable incident m'a beaucoup enseigné. J'ai appris l'optimisme, le relativisme. J'ai appris la patience, la retenue, le véritable sens de mots tels que chagrin et misère pour ensuite comprendre les sens, l'essence de mots tels que chance et bonheur. J'ai laissé le goût de l'inutile me quitter pour finalement apprendre à vivre, à ne me soucier que du vital, de l'essentiel. J'ai appris la complexité de l'élément démesuré de sens qu'est le temps. J'ai appris que l'on ne pouvait ni le saisir ni le suspendre, mais que l'on peut l'apprivoiser, le dompter, l'entendre passer... et l'écouter.
Je laisse alors la brise caresser nos visages et me conduire à cette authentique conclusion.
Dix-huit mois plus tard, la vie me rend bien mes sourires. Jeune maman diplômée, mon cœur s'est vu pousser des ailes. Je suis une battante, je suis tenace. J'ai gagné, j'en suis consciente. J'ai amadoué la joie, je respire le bonheur. Entièrement reconstruite, la créature épanouie que je suis devenue ne demande qu'à vivre ; toujours plus beau, toujours plus haut, toujours plus grand, toujours plus vrai. 

 Je suis le phénix qui renaît de ses larmes.
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TATT AV TIDEN

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Saut du bouchon
Crément d'Alsace - 2012
GRAND KRUTH
version 1 . 2

--> En capturant ce délicieux fragment de secondes à Kruth au mois de mai dernier, j'avais bien entendu trouvé judicieux de faire quelques essais en exploitant différents réglages à chaque prise de vue, puisque personnellement radicalement opposée au principe de la postproduction. Au premier abord, j'avoue avoir préféré l'atmosphère féerique que véhicule ce cliché. Mon Nikro m'a fortement influencée, lui préférant les teintes glaciales de la variante bleutée. Je juge donc bon, aujourd'hui, de publier cette chaleureuse version du fameux saut du bouchon.


*__*
*

Les traits de mon avenir se dessinent nettement tandis que je sillonne les rues de Lambersart. 

___ "Dis Papy, qu'est-ce qu'elle fait, la Poste?"

La Poste, c'est moi. Et la Poste n'a l'air de rien devant son coffre relais, trempée par la pluie. L'eau ruisselant sur ses cheveux, elle prend sa pause clope, amplement méritée après avoir chargé la petite trentaine de kilos de courrier supplémentaires sur son vélo. Il est dix heures trente.
Sa besace est toute pleine de courrier en attente de réexpédition, de publicités à renvoyer à l'expéditeur et d'autres aberrations postales. Ses épaules sont à l'agonie, puisque tractant également une moyenne de vingt-et-un recommandés quotidiens, plus ou moins volumineux.
Quatre semaines qu'elle distribue la tournée 105, cinquième collectivité de boîtes aux lettres desservie par ses modestes mains, mains dont la quasi totalité des doigts souffrent le martyr à force de se faire happer par les minuscules boîtes aux lettres bien trop voraces de la rues des Aubépines. Elle est finalement venue à bout de cette tournée, complexe voire interminable en suivant le casier, incroyablement agréable depuis que son paquet de neurones en a décidé autrement. Après s'être pavanée deux jours dans les rues de la ville alors que le clocher sonnait trois heures trente, la voilà rentrée au bureau à onze heures sous les yeux ébahis des plus rapides de ses collègues.
Heureusement, elle est déjà passée au commissariat.
___ " - Dis donc, Marcel, vise un peu ce que la pluie nous amène ! Tu as vu la factrice ?!
___ - Superbe ! Après la pluie vient le beau temps, hein ? "
Et cette dernière phrase d'entraîner avec elle tout le bâtiment. Les joues framboises, la Poste s'est empressée de remonter sur son vélo en pédalant à toute vitesse en direction de la mairie.

___ Dix heures trente, donc. La clope au bec, elle regarde les passants et s'imagine le courrier qu'ils reçoivent, la presse urgente leur étant destinée. La boîte aux lettres de cette petite dame est-elle normalisée? Ce monsieur fait-il pester le facteur en se faisant adresser une multitude de plis à la taille démesurée par rapport à la microscopique fente en ferraille de sa porte d'entrée? Déformation professionnelle, sans doute.
Bon, le verre est à moitié plein. Ne lui reste que deux batteries de bâtiments dans lesquelles le courrier se trouve être miraculeusement bien adressé, deux petites rues ainsi que la grande.
La coiffeuse se plaint du titulaire, madame Dupont reçoit sans aucun doute beaucoup trop de niaiseries et la caissière de l'épicerie du coin ne veut pas lui prendre son recommandé. A la maison de retraite, la Poste est obligée de dévaler les cinq escaliers du bâtiment pour délivrer le chéquier de Mamie Grégoire. Pierrot lui paie un café, la voilà requinquée. La tournée s'achève au numéro 303, maisonnette toute biscornue abritant la grand-mère à moustache. Cette dernière guette l'arrivée de la bicyclette jaune et bleue chaque matin. Elle a besoin de parler, un peu. Onze heures, la Poste se voit donc contrainte d'enlever son costume de facteur pour revêtir celui de l'assistante sociale. La grand-mère à moustache ne s'imagine pas tout ce que cache le courrier. Elle ne soupçonne même pas toutes les éreintantes manipulations entraînées par la malheureuse carte postale qu'elle vient tout juste de recevoir de Vancouver. Dix minutes de recherche dans le piètre cahier de tournée, eh! S'est-elle seulement demandée ce qu'exigeait la confirmation de pré-inscription à l'université Lille 3 Charles de Gaulle de son petit fils? Et sa carte de fidélité Carrefour? Pas une seule fois. Elle a beaucoup voyagé. La Poste visite par procuration les Indes, certains pays de l'Amérique du Sud ainsi que l'Australie. Ça lui réchauffe le coeur, ses os sont glacés.
Elle est bien aimable, Paulette! Juste qu'il est temps pour la Poste de remonter sur son vélo, d'aller rendre ses comptes et de recharger ses batteries pour repartir du bon pied demain matin.




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